Stéphanie Doyen, maire de Saint-Pierre Quiberon (56)
Les évolutions du climat et l’élévation du niveau de la mer renforcent le phénomène d’érosion côtière et les risques pour les biens et les personnes situées en zone littorale. La commune de Saint-Pierre Quiberon (56), porte d’entrée de la presqu’île de Quiberon, a deux façades maritimes côté océan et côté baie. Particulièrement exposée à ces risques, elle doit faire face – comme bien d’autres territoires littoraux – à de nombreux enjeux économiques, sociaux…
Stéphanie Doyen, maire de la commune depuis 2020, présente dans cet entretien les conséquences du recul du trait de côte pour la commune et les défis auxquels les élus de sa commune doivent faire face. Ces différents points seront approfondis le 9 octobre lors d’une visite-rencontre organisée par BRUDED.
À quels enjeux et défis liés au recul du trait de côte votre commune est-elle confrontée ?
La commune est confrontée à de multiples défis car les constructions et aménagements proches du rivage sont ici nombreux et vulnérables. Comme sur l’ensemble du littoral, il ne sera pas possible de protéger l’ensemble du territoire côtier. Les ouvrages de protection, digues ou enrochements, seront réservés à des secteurs à enjeux très forts, difficiles à déplacer. Ailleurs, nous allons devoir reculer face à l’avancée de la mer et faire des choix qui seront parfois douloureux. Nous devons nous y préparer dès maintenant car plus nous attendrons, plus les décisions seront prises dans l’urgence, plus cela coutera cher et plus le choc sera important pour la population.
L’isthme de Penthièvre qui est menacé de part et d’autre par la montée des eaux et l’érosion côtière présente un enjeu fort de continuité territoriale. Cette petite bande de terre qui accueille la route, la voie de chemin de fer et les réseaux dessert la presqu’île de Quiberon et le port de Quiberon d’où partent les liaisons vers Belle-Île, Houat et Hoëdic.
L’enjeu économique est aussi fort car les campings situés proche du rivage sont menacés alors qu’ils constituent un des moteurs touristiques du territoire. Par exemple, les trois campings municipaux sont impactés alors qu’ils constituent une ressource importante pour la collectivité et sont source d’emplois pour de nombreux saisonniers.
Enfin, l’enjeu social est fort car plusieurs maisons d’habitation sont menacées. De plus, à la différence du phénomène de submersion marine, le phénomène d’érosion, responsable du recul côté baie, n’est pas considéré réglementairement comme un risque, car il est « prévisible ». Il ne permet donc pas de bénéficier d’indemnisations via le fonds national de Prévention des Risques Naturels Majeurs dit fond Barnier. À ce jour, et malgré les propositions du Conseil National du Trait de Côte, aucun fonds d’indemnisation n’a été créé pour faire face à la problématique du recul du trait de côte.
Comment la collectivité et les élus peuvent-ils répondre aux menaces associées au recul du trait de côte ?
En 2019, la communauté de communes Auray Quiberon Terre Atlantique (AQTA)a été lauréate d’un appel à manifestation d’intérêt (AMI) porté par la DREAL Bretagne et la Région Bretagne accompagnée du CEREMA pour établir des stratégies de gestion des risques littoraux à court, moyen et long termes. Cette démarche a permis d’acquérir des connaissances que la commune complète par des études qui prennent en compte la concomitance des phénomènes (grande marée et tempête par exemple). Ces connaissances complémentaires doivent nous permettre de prendre les bonnes décisions pour des actions pérennes sur le long terme.
Nous avons aussi pris plusieurs mesures concrètes. Par exemple, dans l’un des campings municipaux côté baie où l’érosion est forte, 90 emplacements de bord de mer ont été supprimés. Cela correspond à un recul de 50 mètres qui a permis au cordon dunaire de se reconstituer. Pour autant, cela représente une perte de revenus annuels de 100 000 euros pour la commune.
De plus, nous communiquons auprès de la population sur les mesures prises pour faire comprendre et alerter sur le phénomène en cours. Le faible relais par les autres strates des collectivités retarde la prise de conscience par les habitants. Nous devons construire collectivement une culture du risque ! À l’échelle communale, nous utilisons tous les médias à notre disposition pour en parler.
À quelles difficultés êtes-vous confrontée en tant qu’élue pour avancer sur l’adaptation du territoire ?
Globalement, la réglementation n’est pas en adéquation avec l’urgence de la situation. Je souhaiterais une application stricte de la loi littoral pour stopper la construction dans la bande des 100 mètres (dans sa partie déjà urbanisée). Chaque construction supplémentaire y accentue les problèmes de demain et de potentiels contentieux à venir. Dans ces secteurs, la collectivité sera tôt ou tard confrontée à la protection des biens et des personnes.
Nous manquons aussi d’outils adaptés pour anticiper le repli, comme un droit de préemption pour acquérir du foncier afin de déplacer les activités et habitations menacées. Nous devons être proactifs !
Enfin, nous avons aussi besoin du soutien des pouvoirs publics, de parler d’une seule voix avec les mêmes éléments de langage pour que la population prenne conscience de l’élévation du niveau de la mer, de l’évolution du trait de côte et des conséquences sur le territoire.
Le partage d’expériences sur ce sujet émergent est essentiel et la rencontre du 9 octobre ira en ce sens. Je suis ravie de vous accueillir sur le sujet du recul du trait de côte qui me tient à cœur et de partager avec vous notre engagement lors de la visite.
Stéphanie Doyen
maire de Saint-Pierre Quiberon (56)
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Rédigé en septembre 2025
Thématique : Aménagement, urbanisme et habitat, Démarches globales et participatives