Augan (56) : comprendre en équipe les enjeux financiers pour anticiper et porter des projets

Découvrir le témoignage de Guénaël Launay, maire :

La volonté de maîtriser le sujet

En 2020, l’équipe qui prend les manettes de la mairie est nouvelle : sur 19 personnes, 15 découvrent la fonction d’élu. La volonté de départ est de créer une collaboration forte entre élus de la majorité et de la minorité, à qui le maire confie deux délégations : la voirie et les affaires sociales. Par ailleurs, la question de la montée en compétence collective est un enjeu important pour le maire, Guénaël Launay, notamment sur le sujet des finances communales. En dépit de ses compétences personnelles en gestion de projet, Guénaël Launay décide dans un premier temps, de se former au sujet des finances communales.

Une montrée en compétence progressive

En avril 2021, Guénaël Launay participe à une formation de deux jours non consécutifs, dispensée par l’ARIC. Le premier jour est consacré à la compréhension d’un budget communal : “Le budget de votre collectivité : comprendre avant de voter” puis une semaine plus tard, “Financer vos investissements : quelle stratégie adopter ?”.

La formation (collective) lui permet de comprendre les grands enjeux et les mécanismes financiers de la gestion d’une collectivité, les points sur lesquels être vigilant et quelques indicateurs pour guider les finances.

À l’issue de la formation, Guénaël Launay souhaite poursuivre l’exercice, et propose à son équipe de se faire accompagner pour formaliser collectivement un Plan Pluriannuel d’Investissement (PPI), et parallèlement, se former en équipe à la gestion des finances communales. L’objectif est en effet de profiter de ce travail pour impliquer l’ensemble des élu.e.s dans la construction du budget, et faire monter en compétence ceux-ci sur leur compréhension des finances locales, notamment appréhender la différence entre une gestion « comptable » stricto sensu et une gestion « financière », qui prend en compte les perspectives.

L’accompagnement d’un consultant pour construire un PPI

La mairie sollicite Johann Legendre, consultant finances auprès des collectivités locales, et intervenant pour le centre de gestion d’Ille-et-Vilaine, qui a par ailleurs animé les 2 jours de formation de Guénaël Launay. La mairie remet à M. Legendre les éléments de comptabilité des cinq dernières années, afin qu’il commence son audit financier des comptes de la commune en juin 2021.

Les résultats de l’audit confortent les élus dans leurs projets, puisqu’ils confirment que la commune a bénéficié jusqu’à présent d’une très bonne gestion, avec une capacité de désendettement de seulement un an, ce qui permet d’envisager des investissements sereinement. Une fois ce diagnostic réalisé, M. Legendre va accompagner les élus pour leur expliquer les bases d’une gestion financière et formaliser avec eux le PPI de la commune, au regard des projets défendus dans leur profession de foi, « Nous avons mis en relation notre programme électoral et les finances de la commune ». Ce temps de travail est ainsi organisé au mois d’octobre 2021, soit un an après la prise de fonction de la nouvelle équipe. Cette réunion est ouverte à tous les élus, ainsi qu’aux agents administratifs.

Une 2^ème réunion générale est organisée et animée par M. Legendre en novembre 2021, réunissant les mêmes personnes. La réflexion vient confirmer les projets du mandat et réaffirmer le projet politique de la majorité, en validant notamment la faisabilité d’un des projets annoncés : le restaurant scolaire.

Certains élus ont une très bonne maitrise des budgets mais pas de projection financière sur un mandat. Le PPI permet d’éclairer la faisabilité financière des projets à venir et vient soutenir leur portage politique » La comptabilité annuelle et le budget prévisionnel ne proposent pas de projection pluriannuelle, le CA et le BP ne suffisent pas.

Guénaël Launay, maire

Enfin, une 3ème réunion permet d’inscrire les projets dans un PPI et d’organiser leur planification sur un calendrier, ce qui rend plus lisible l’action des prochaines années comme le commente Guénaël Launay : « Le PPI fait ressortir l’important : il illustre la capacité d’investissement sur toute la longueur du mandat ». L’objectif est de lister les projets prévus pour le mandat, faire une première estimation budgétaire puis les planifier et les échelonner jusqu’à la fin du mandat.

Cela a été un exercice nouveau pour la commune, de se projeter à N+1… N+6, en tenant compte des subventions possibles, et la capacité d’investissement de la commune !

Guénaël Launay, maire

Pourquoi un consultant et pas un cabinet ?

Guénaël Launay et son équipe ont souhaité s’adresser à un consultant et non un cabinet, pour mieux mieux s’approprier les résultats de l’audit. « Bien souvent les cabinets donneront les résultats d’un audit, sans rendre accessible les outils qui ont conduit l’audit. Il est ensuite difficile de prendre en main les outils qui permettraient en autonomie de faire évoluer le PPI dans le temps. Il faudra refaire appel au cabinet pour une nouvelle prestation… Les outils Excel suffisent à planifier un PPI, l’enjeu est aussi de prendre en main les tableaux excel pour soi-même réaliser ses projections financières et ses mises à jour du PPI. Selon moi, il est possible de le demander à un indépendant, plus facilement qu’à un cabinet… »

Zoom sur le PPI, véritable boussole pour mener les projets

Les outils remis par Johann Legendre ont permis de planifier les projets en lien avec l’endettement de la commune. Le PPI donne des repères dans le temps pour la mise en œuvre des projets et clarifie le rythme des investissements du mandat. A ce jour, la commune de Augan a moins d‘une année de capacité de désendettement. « On a travaillé avec Johann la capacité d’endettement, pour rester dans une capacité de désendettement située entre 3 et 5 ans, ce qui est classique pour une commune ».

 La capacité d’investissement est liée à la bonne gestion du budget de fonctionnement, illustrée par le solde d’épargne brute. Elle correspond à la ressource interne dont dispose la collectivité pour financer ses investissements. « Si on atteint une épargne brute plus faible que prévue, on a deux options : soit on revoit les dépenses d’investissement, soit on resserre le budget de fonctionnement, ce qui vient guider la gestion du fonctionnement ! » comme l’explique Guénaël Launay. La bonne compréhension de cet indicateur est essentielle pour guider la réflexion et aider les élus à mener leurs projets. Une fois ces notions bien comprises, la construction du projet est facilitée, ainsi que la recherche de financements, « selon moi, pour être le plus efficace possible les demandes de subventions doivent se réaliser au tout début d’un projet, avant même de l’avoir défini précisément. La plupart des demandes de subvention peuvent être demandées sur la base d’esquisses, de devis, d’estimations chiffrées larges et d’un narratif d’intention politique. Une fois la subvention notifiée, nous avons deux ans pour travailler à définir précisément le projet et poser la première pierre. Ce délai nous laisse du temps et connaitre le taux de subvention nous aide à construire le projet, à savoir jusqu’où nous pouvons aller en terme de dépenses. Ce n’est pas la même chose de réfléchir à un projet sachant que nous avons 70% de subvention, ou 35% de subvention. »

Et gage de crédibilité !

La lisibilité financière d’un projet permet de faciliter les échanges tant avec la population, qu’au sein de l’équipe municipale, comme le souligne Guénaël Launay : « Dans des contextes d’opposition, le PPI est un outil d’argumentation très factuelle, réalisé sur une base de travail sérieuse. Il présente un cadre financier entendu par tout le monde. C’est aussi un outil partagé qui vient soutenir l’aspect politique des projets du mandat, le PPI est un gage de crédibilité ».

La construction d’un PPI devrait être obligatoire en tout début de mandat, pour une projection collective. Il vient soutenir les projets politiques, car la partie finance est plus ou moins assimilée par les élus.

Guénaël Launay, maire

Et aujourd’hui ?

L’audit financier devait être suivi de la mise en place d’une comptabilité analytique pour suivre précisément le coût des différents services à la population, début 2022. A ce jour, elle n’a pas pu être mise en place, faute de disposer d’un logiciel de comptabilité adaptée à ce type de comptabilité approfondie.

Le travail de planification des projets s’est fait en conseil municipal. Chaque année, le budget se travaille en une ou deux réunions du conseil, spécial finances. Le conseil se réunit en début d‘année pour voter le budget, le PPI donne une bonne visibilité de là on se trouve. Les finances sont accessibles sur un tableau Excel que l’on peut partager.

 La prestation globale de M. Legendre a représenté un coût de 4000€ pour la commune, ce que ne regrette absolument pas Guénaël Launay : « Je conseille à toutes les communes de réaliser cette démarche. Le coût de l’expertise est largement rentabilisé par les économies réalisées sur la suite du mandat et c’est également un bon investissement pour les élus qui ont été formés ». L’accompagnement va se poursuivre en début d’année 2024, puisque la commune a de nouveau sollicité M. Legendre, pour qu’il apporte son regard sur le budget prévisionnel 2024 construit par les élus.

Les clefs de réussite

• Prendre du temps pour se former aux finances locales
• Partager les informations et la bonne compréhension des finances locales au sein du conseil municipal, pour que chacun soit acteur des choix qui engagent la collectivité pour plusieurs années.
• Travailler l’animation des réunions afin qu’elles soient efficaces et participatives
• Choisir une approche d’accompagnement pédagogique, en préférant un travail avec un consultant plutôt qu’un cabinet

Si c’était à refaire ?

La démarche participative du début s’est révélée assez ambitieuse, et énergivore, comme l’explique Guénaël Launay : « On a voulu mettre en œuvre la construction du BP2022 de façon très collective pour vulgariser les finances communales auprès d’un maximum d’élus. Avec le recul, ça s’est avéré trop lourd, trop long, parce que tout le monde n’a pas envie de creuser les détails financiers. En 2023, nous avons allégé un peu la participation. Le travail se fait plutôt à travers les commissions qui expriment des projets, les chiffrent. L’arbitrage financier se fait en commission finances, qui réunit le maire et un élu ainsi que le DGS, puis en bureau. »

C’est indispensable de faire ce travail de production d’un PPI, peu importe le contexte financier ! Ça devrait être automatique de faire cet état des lieux dès la 1^ère année de mandat.

Guénaël Launay, maire

Rédaction janvier 2024