« Restructuration et optimisation foncière des ZAE : contexte, outils méthodologiques et juridiques, retours d’expériences » : témoignage du Cerema

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A l’occasion de la rencontre « ZAN, optimisation foncière et restructuration de ZAE : comment agir ? » organisée par BRUDED et l’EPF Bretagne le 9 novembre 2023, Nicolas Gillio, chargé de mission Appui socio-économique aux territoires à la Direction Territoires et Ville du CEREMA, a apporté son témoignage intitulé « Contexte, outils méthodologiques et juridiques, retours d’expériences ».

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Contexte du ZAN pour les activités

Le ZAN est un sujet médiatique, avec des articles quotidiens dans la presse, le sujet questionne les villes-centre et la périphérie et toutes les politiques publiques doivent désormais l’aborder, y compris quand on traite des ZAE. Pour cela, il est nécessaire de créer de la transversalité en interne dans les services d’une collectivité et en externe, entre les différents partenaires associés.

Au niveau national, la loi « Industrie verte » vient d’être adoptée au Parlement (octobre 23). Suite à la crise du COVID, au changement climatique qui s’accélère, elle vise à minimiser la dépendance de la France aux fournisseurs installés à l’étranger, en réindustrialisant le pays. L’objectif est d’identifier 50 sites à fort potentiel « France 2030 », qui pourraient accueillir à court terme des projets d’implantations d’industries. Par ailleurs, le dernier rapport sur la mobilisation du foncier industriel a dégagé des préconisations pour améliorer la mise à disposition du foncier économique.

Les inventaires des ZAE, imposés par la loi Climat et résilience ont permis d’améliorer la connaissance du patrimoine des sites économiques et des locaux vacants, donc du gisement potentiel. Il est important maintenant de passer d’une connaissance réglementaire à la définition d’une stratégie où les collectivités vont pouvoir jouer un rôle en travaillant notamment avec les propriétaires privés. Pour rappel, le ZAN s’applique à tous les usages, logement, activité, infrastructures, etc. La construction de logement neuf est le premier facteur d’artificialisation des sols, devant les constructions de nature économique, qui ont tendance à baisser depuis 15 ans. Ce constat national se confirme en région Bretagne.

Les freins et leviers pour la sobriété foncière

  • Les freins sur les territoires : un risque de saturation ?

Quand on interroge les EPCI en France, la moitié considère qu’elles sont déjà en situation de pénurie foncière. Plus on est sur un territoire urbanisé, plus cette situation de saturation devient forte, du fait de la pression foncière et des concurrences d’usage. Quand on interroge les territoires qui ne sont actuellement pas en situation de saturation foncière, la moitié d’entre eux affirment qu’ils le seront d’ici trois ans.

  • Les freins sur les territoires : l’acceptabilité environnementale des projets industriels

A la saturation et à la pénurie foncière s’ajoute la question de l’acceptabilité environnementale des projets industriels. En moyenne, 59% des collectivités interrogées (des métropoles aux communautés urbaines) sont confrontées à cet enjeu.

  • Les leviers d’action identifiés par les EPCI sur les territoires

Toujours selon les collectivités, les documents d’urbanisme sont le premier levier pour accroître la disponibilité foncière, comme la densification et le recyclage foncier. Toutefois, la consommation de foncier en extension urbaine reste un levier d’action envisagé pour beaucoup de collectivités.

  •  Les leviers : la requalification des ZAE, un enjeu permanent

40% des collectivités répondantes estiment qu’il existe des enjeux de requalification ou de redynamisation du foncier économique dans leur territoire pour la majorité des ZAE. Plusieurs hypothèses : le besoin de réaménagement constant (fortes évolutions économiques), et les attendus des entreprises qui peuvent changer, l’intervention n’ayant pas été faite.

  • Les leviers d’actions de requalification privilégiée actuellement

Les principales actions de requalification envisagées sont : la réhabilitation des espaces publics (voiries, réseaux, signalétiques) et l’optimisation du foncier (via les dents creuses, la densification). Très peu de collectivités s’engagent sur la requalification du sol et du bâti puisqu’il y a un problème de maitrise foncière pour intervenir dans les ZA. Le saut qualitatif est nécessaire pour que la requalification ne se cantonne pas à la voirie. Ces éléments posent la question de la maitrise publique et privée pour intervenir en ZA.

  • Les freins techniques et budgétaires de la requalification

Même quand on veut faire de la requalification, se posent la question de la volonté politique et de l’ingénierie de projet. Il faut un certain niveau de maitrise du foncier et un modèle économique qui permette d’engager la requalification de la ZA. Aujourd’hui, ce n’est pas un problème de volonté politique : les communautés de communes et d’agglomération s’accordent à parler du manque d’ingénierie de projet, qui serait le vrai frein, ainsi que le bon modèle économique à trouver : comment, en engageant des dépenses d’investissement, on peut équilibrer les opérations en recyclant plusieurs terrains ?

  •  Un modèle économique à réinventer face à l’évolution de la fiscalité locale

La fiscalité locale est un autre élément de compréhension : quand on investit, c’est pour permettre le maintien du développement de l’emploi, parce que cela génère des recettes fiscales, et permet de financer d’autres opérations d’investissement. Aujourd’hui, les délais de retour sur investissement s’allongent énormément, les EPCI parlent d’un délai de 10 ans, ou entre 5 et 10 ans.

  • Quel modèle d’aménagement économique pour les intercommunalités ?

La grande majorité des entreprises sont propriétaires de leur terrain et de leurs murs, d’où un problème de maitrise foncière pour la requalification par la collectivité. On constate que plus le territoire est contraint par l’urbanisme et les usages (logement, équipements publics et privés ou activités), plus le modèle s’est diversifié. Aujourd’hui, les collectivités cherchent à déployer un modèle de location et un modèle hybride pour mieux maitriser le devenir des ZAE et sites économiques. On voit des collectivités qui s’interrogent et qui souhaitent expérimenter d’autres modèles d’aménagement, ce qu’on appelle du « post aménagement » : des formes de bâti plus denses, une mutualisation d’espaces/d’usages et une maîtrise publique du foncier en ZA. Ce nouveau modèle est selon le CEREMA, synonyme d’un interventionnisme plus important des collectivités pour lui permettre d’émerger.

Mobiliser de nouveaux outils, développer de nouvelles pratiques

Pour agir ensemble sur la chaine d’aménagement et intervenir à différents niveaux, il faut se doter d’une ingénierie pour intervenir sur tous ces éléments, et se pencher rapidement sur la question de l’incitation fiscale. S’accorder sur des réductions de prix pour les entreprises qui s’installeraient sur des parcelles plus petites et à l’inverse, accroitre le prix des parcelles plus grandes, en mettant des clauses au moment de la transaction.

En termes d’ingénierie à l’accompagnement, il faut imaginer des coopérations interservices à l’échelle d’une collectivité (services urbanisme et service développement économique), mutualiser les usages et les services à l’intérieur des ZAE. La collectivité peut être accompagnatrice avec les développeurs économiques, elle peut favoriser l’émergence de la mutualisation entre entreprises, limiter les besoins futurs en espaces, penser à du prêt de matériel, du partage de locaux de stockage, des salles de réunion, des machines… il faut pouvoir mettre en place une grille d’analyse quand on veut une lecture transversale sur la sobriété et sur la production de foncier économique.

  • Les hôtels industriels et logistiques (territoires urbains denses)

On sait faire de la densification depuis longtemps : des EPCI ont sur leur territoire des hôtels industriels et logistiques qui accueillent des marchandises. Plusieurs EPCI travaillent sur le développement de villages d’artisans, avec un travail de mutualisation des espaces de circulation. Par exemple, dans la Drôme : un bâtiment en activité sur deux niveaux, 12 000 m2 au sol, sur un terrain appartenant à un propriétaire privé, la collectivité a créé les conditions du dialogue avec les promoteurs demandeurs de nouvelles formes urbaines à intégrer dans le tissu urbain.

  • Les villages d’entreprises (territoires ruraux et périurbains)

Dans le cas des territoires moins denses, les villages d’entreprises artisanales sont une option, cela suppose une négociation entre un promoteur privé et des acquéreurs. Dans l’exemple présenté, le rez-de-chaussée de certains bâtiments est dédié à la fonction de production de l’entreprise, et l’étage aux fonctions administratives. C’est un exemple qui devient la norme, les promoteurs savent faire des programmes plus compacts, et la collectivité joue son rôle. Ce sont des opérations qui ne nécessitent pas de gros moyens d’investissement pour la collectivité, mais des moyens en ingénierie dans la mesure où il faut aller discuter avec les promoteurs et avec les entreprises.

Les intercommunalités vont continuer à commercialiser du foncier économique par le biais du modèle « aménagement et commercialisation » car de nombreuses TPE-PME sont dans des logiques patrimoniales en phase de maturité de l’entreprise. Toutefois, la collectivité doit opter pour un modèle hybride mixant aménagement-commercialisation et dissociation foncier-bâti afin d’anticiper les cycles économiques et l’évolution des besoins des entreprises.

Vers davantage de maîtrise publique du foncier économique ?

La collectivité peut également travailler avec des architectes dans certains projets, qui sont sollicités par collectivités pour accompagner les entreprises. C’est une forme d’aide de la collectivité à l’entreprise, puisqu’elle prend en charge la prestation de l’architecte qui va réfléchir au projet, et c’est vrai aussi dans le domaine de l’énergie.

Il s’agit d’un changement de modèle : accepter de produire plus dense, et accepter de revoir la façon dont on commercialise le foncier sur son territoire, ce qui veut dire aller vers davantage de maitrise publique du foncier économique.

Comment les collectivités peuvent-elles franchir le pas et quels sont les outils qui existent pour atteindre cette maîtrise ?

  • Les sociétés foncières publiques ou mixtes public-privé

Les SEML (sociétés d’économie mixte locales) réalisent des opérations de redynamisation dans les territoires. Certaines SEML sont devenues structures porteuses pour détenir ces fonciers. La seule contrainte est que souvent, ces sociétés foncières publiques doivent faire la péréquation entre des locaux rentables et des locaux non-rentables. L’échelle départementale est la bonne échelle pour faire fonctionner ces SEML.

  • Les baux de longue durée
  1. Le bail emphytéotique administratif s’adresse à des projets d’opérateurs publics ou privés caractérisés par un intérêt général ou public avéré (équipements publics, logements sociaux).
  2. Le bail réel solidaire d’activité : les organismes de foncier solidaire (OFS) peuvent réaliser et céder des locaux d’activité. Leurs objectifs sont de créer de la mixité à l’échelle de l’opération et permettre à des entreprises d’accéder à des locaux à tarifs préférentiels. Ce nouveau dispositif est réservé aux TPE (< 10 salariés, < 2 M€ de CA).
  3. Le bail à construction: c’est un contrat qui permet à une personne morale ou physique (le preneur) de louer un terrain à une autre personne (le bailleur) pour y construire un bâtiment, moyennant le paiement d’un loyer. Le contrat peut être conclu pour une période allant de 18 à 99 ans. Pendant cette période, le preneur dispose de droits réels sur le terrain loué et peut en disposer comme il le souhaite, dans le respect des conditions prévues dans le contrat de bail : il peut construire, céder son bail ou encore hypothéquer le bâtiment. C’est un outil de plus en plus utilisé, qui a connu un essor sur des territoires concernés par une forte pression foncière. Des territoires moins denses et moins attractifs s’interrogent parce qu’ils ont des friches, qui correspondent à des terrains vendus il y a 25 ans, et aujourd’hui, ces territoires souhaitent avoir la maitrise sur ces terrains et mieux contrôler le type d’activité et le type d’entreprises qui vont venir. Ce type de bail crée un lien avec l’entreprise et permet de travailler la question de l’emploi sur le territoire.

Echanges en plénière

“Au sujet des bâtiments à plusieurs étages, en ZAE : comment appréhender la question des salariés à mobilité réduite ?”

Souvent, la réponse n’est pas satisfaisante, les entreprises peuvent installer un ascenseur ou un monte-charge pour répondre partiellement à cette préoccupation. De manière générale, le fait de mettre en place deux niveaux est une source de stress pour les dirigeants. Cela suppose des outils différents, un ascenseur peut tomber en panne, tout comme un monte-charge. Aujourd’hui, il y a des blocages de cet ordre-là pour certains chefs entreprise. Autre élément blocage : le fait de ne pas être tous au même niveau entre les fonctions administratives et les fonctions de production, crée des séparations dans le personnel. C’est un blocage dans certaines entreprises d’une certaine taille, mais c’est moins vrai dans une entreprise ou tout le monde occupe les deux fonctions (administratif & production).

“Comment peut-on signer un bail à construction* en étant dans un territoire où le foncier n’est pas rare ? Comment les investisseurs acceptent ces prix-là ? Quel est le reste à charge pour les collectivités ?”

C’est effectivement un type de bail qui fonctionne dans des secteurs attractifs. En parallèle, les collectivités ne veulent plus céder un foncier pour le récupérer potentiellement sous forme de friche plus tard. Sur les secteurs moins attractifs, les collectivités passent des conventions avec des SEM (NDLR : quand elles sont présentes) dans laquelle elles rétrocèdent une partie de la zone pour combler le delta entre le « loyer canon » et le coût d’aménagement. C’est de l’argent public qui sort, mais ça permet de pallier le manque à gagner pour l’aménageur. Les entreprises sont attachées à un territoire, elles accepteront de payer un prix plus important pour y rester.

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