Saint Coulitz (29) : Une salle polyvalente en ossature bois isolée en paille et performance passive
Thématique(s): Matériaux écologiques et locaux - Équipements culturels et sportifs - Équipements publics
Infos pratiques
Adhérent depuis 2014
Maire : Gilles Salaün
Adresse : Place François Mitterrand, 29150 Saint-Coulitz, France
Téléphone : 02 98 86 17 65
Nbre d’habitants : 486
Superficie : 11 km²
Intercommunalité : Pleyben-Châteaulin-Porzay
www.saint-coulitz.fr
Contact BRUDED : Maïwenn Magnier
Autres expériences de Saint-Coulitz
Les élus souhaitaient offrir une salle des fêtes aux habitants qui réponde à leurs besoins et qui soit aussi une réussite sur le plan de la performance énergétique, écologique et économique sur le long terme. Séduits par des projets de bâtiments en matériaux biosourcés, ils ont choisi de lancer un projet « bois-paille ».
Dès 2017, une étude menée par l’atelier TLPA propose un schéma d’aménagement de la petite zone de Kerilis pour y créer des logements pour personnes âgées en beguinage. En 2018, le CAUE propose une première esquisse pour y aménager également une salle polyvalente.
En 2021, les élus lancent ainsi l’idée de rénover la grange (propriété communale d’une surface de 150 m²) située près de l’église dont ne subsiste que les murs en pierres, pour faire une salle polyvalente et d’y réaliser une petite extension. L’objectif est de pouvoir offrir 80 à 100 places assises. À côté de ce bâtiment se trouve un hangar (seule une moitié est propriété communale) en pierres avec un toit en tôles amiantées à rénover où pourraient être accueillis des évènements festifs type fest-noz.
Dès le début, les élus ont le souhait de réaliser une rénovation avec une isolation en matériaux biosourcés en évoquant particulièrement la paille. Le programme appuyait surtout sur une volonté que le bâtiment ne « coûte rien en fonctionnement », évitant ainsi le chauffage au maximum.
Plus on isole le bâtiment, moins ça nous coûtera en fonctionnement plus tard ; la paille crée un confort intérieur, c’est vraiment intéressant
Gilles Salaün, maire
Temps de conception
Programme et maîtrise d’œuvre (MOE)
Le programme du projet et le cahier des charges pour le recrutement d’une équipe de maîtrise d’œuvre sont rédigés par Finistère ingénierie assistance (FIA) en 2021 qui accompagne la commune au démarrage, comme Ener’gence sur le volet énergétique ou encore BRUDED. L’appel à candidatures est lancé fin 2021. Entre les trois équipes postulantes, les élus choisissent Paul Vincent, architecte (de Saint Malo) aux côtés de Vincent Foucher du bureau d’études IPH qui présentera ses premières ébauches en janvier 2022. Il répond aux exigences du programme basées sur la rénovation d’un bâti ancien avec des matériaux biosourcés.
Suite aux premières réunions avec l’équipe de maîtrise d’œuvre qui présente différentes options et étude des possibilités techniques et architecturales, l’idée d’une rénovation complète du bâtiment est abandonnée pour s’orienter vers un projet de construction neuve. En effet, le bâtiment dont le toit est tombé depuis plusieurs années présente des infiltrations importantes qui auraient sans doute créé des désordres structurels difficiles à gérer et la proximité de maisons d’habitation a incité les élus à choisir d’en écarter le projet.
Le terrain qui jouxte celui-ci fait environ un hectare : il y est prévu dans un temps futur un projet de lotissement (lots libres) et un petit complexe de six à huit logements locatifs pour personnes âgées. Les contraintes financières auxquelles sont confrontés les bailleurs sociaux aujourd’hui (qui auraient pu porter l’opération) ne permettent pas d’envisager ce projet à court terme comme cela était prévu en début de mandat.
Se faire accompagner
En 2021, la commune postule à l’AMI lancé par la Fédération bretonne des filières biosourcés [FB]² sur les constructions neuves. Lauréate, la commune bénéficie de l’accompagnement de Julie Poisson.
Devant le constat qu’une construction bois/paille nécessite des compétences très spécifiques, les élus recrutent deux assistants à maitrise d’ouvrage, par le biais du collectif paille armoricain. Morgan Le Goff (CO2 bois paille), artisan et formateur qui assurera le suivi du chantier et Sabrina Dumont (FACE), architecte, qui assurera la partie conception. Cela facilitera la prise en compte de toutes les exigences que requière l’isolation paille. Afin de parfaire ses compétences en matière de construction paille, l’architecte bénéficie ainsi d’une formation « pro paille » en 2023. « Ce projet m’a permis une montée en compétence sur ce type de construction ; j’ai dû aller vers une simplification des formes pour répondre aux exigences » précise Paul Vincent, architecte. Muriel Floc’h, du bureau de contrôle ‘Alpes contrôle’, très engagé sur les constructions biosourcées, accompagne les équipes de MOE et de MOA dès le début du projet de conception.
Du fait de travailler sur une construction paille dont les méthodes constructives ne sont pas encore très connues des architectes et bureaux d’études, il nous a semblé fondamental de se faire accompagner par des professionnels de la construction en paille ; c’est pour cela que nous avons pris une AMO en lien avec le collectif paille. Pour autant, nous l’avons choisie un peu tardivement ce qui nous a valu de nombreuses modifications au fil du temps qui ont induit des retards et des surcoûts. L’économie que l’on fait à travailler avec une AMO « paille » est substantielle car elle permet d’éviter bien des écueils
Gilles Salaün, maire
Le projet évolue vers trois espaces
Le projet central de salle polyvalente a pris la forme d’une construction neuve en ossature bois, isolée en paille avec une volonté d’assurer une performance quasi passive. Le bâtiment en pierre sans toit (projet d’origine) sera rénové a minima (sécurisation et renforcement des murs) afin de le garder pour un usage futur non encore déterminé (marché, halles, espace de vie, résidence d’artistes, bar, épicerie…). L’autre hangar existant (structure en pierre et toit en tôles amiantées) sera partiellement remis en état et aménagé pour accueillir un espace de stockage.
Le bâtiment neuf simplifié
Les premières esquisses présentant un bâtiment un peu complexe et coûteux avec plusieurs pans et clairevoies en toiture évoluent finalement au profit d’une forme plus simple et adaptée aux modules préfabriqués et à l’utilisation spécifique de la paille. La chaufferie prévue au départ sera supprimée au vu de la performance passive visée et la RE 2020 sera respectée. La version finalisée du projet est validée début 2023. Le permis de construire est déposé dans la foulée. Le règlement de consultation des entreprises est rédigé et lancé en septembre 2023 et les entreprises retenues sont coordonnées par les équipes de MOE et l’AMO. Les travaux démarrent en juin 2024 et devaient être achevées à l’automne 2025.
Les travaux
Salle polyvalente
D’une surface de 250 m², le bâtiment comprend une grande salle de 150 m², des sanitaires et un office de réchauffage. Fin 2022, les choix définitifs avant le dépôt du permis de construire sont arrêtés. Il est choisi de pré-fabriquer des modules bois/paille qui seront montés sur place.
La fabrication et le montage des panneaux sont assurés par l’entreprise « Eco bâti bois », basée à Saint-Renan (29). Fabriqués au sol pour être ensuite retournés et remplis de paille manuellement avant d’être fermés et protégés par des panneaux de bois, ils sont ensuite relevés à la verticale pour être chargés et transportés vers le lieu de montage. Il faut prévoir trois semaines de travaux pour faire les 341 m² de murs. Cela consomme 700 à 750 bottes de paille pour un volume de 120 m3 et un poids de 9,6 tonnes.
- La performance thermique des murs (7,5 m² K/W) est proche du passif.
- Le plafond sera isolé en ouate de cellulose, plus léger et moins coûteux qu’avec une structure adaptée à recevoir de la paille.
- Les faux-plafond sont des panneaux fibralith organic (gérant l’acoustique)
- Les exigences du parement coupe-feu induisent la pose d’une surcouche de 8 cm de laine de roche fermée par un parement bois.
- Les gaines/réseaux passent à l’intérieur de l’enveloppe isolée pour conserver une bonne étanchéité à l’air sans contact avec la paille pour éviter les risques de condensation
- Aménagements paysagers. Ils seront réalisés dans un second temps grâce au financement de 200 mètres linéaires de haie qui relève des constructeurs d’éoliennes sur la commune en compensation de l’impact sur les milieux naturels.
La paille est récoltée « chez Gaby paille et foin » à Guilers (à 2,5 km de l’entreprise Eco bati bois) en bottes de 46×36 cm avec un entraxe de 50 cm. Le bois de structure et le bardage est du pin de Douglas provenant de Merdrignac (22) et de Plouigneau (29). La ouate de cellulose (dans les rampants du toit) provient de l’entreprise Cellaoute à Saint-Martin-des-Champs qui la fabrique (100% fibre papier journal) et assure la pose.
On est fiers de contribuer à des filières courtes pour l’approvisionnement des matériaux de construction
Gilles Salaün
« Cependant, pour de nombreuses raisons liées principalement à une coordination difficile entre élus, équipe de maîtrise d’œuvre, assistance à maîtrise d’ouvrage et bureau de contrôle, certains éléments de projet ont souffert de retard induisant des surcoûts : forme du bâtiment, pose de la dalle ou encore les cloisons coupe-feu » se désole Gilles Salaün.
Le hangar
La charpente a été refaite après avoir désamianté le toit. La longère a été rénovée sur une moitié pour y accueillir un espace de stockage.
La grange
Il a été choisi de reprendre uniquement la maçonnerie des murs porteurs : les joints ont été refaits. La charpente n’a pas été refaite[MM2] .
La paille en question
- Les règles professionnelles de construction en paille rédigées en 2012 constituent le cadre de référence pour l’utilisation du matériau paille comme isolant et support d’enduit et relèvent des « techniques courantes » de construction qui permettent de bénéficier de barèmes d’assurance standards (décennale notamment).
- La mise en œuvre de matériaux de construction doit être réalisée par un personnel qualifié, ayant suivi une formation « Pro-Paille »
- La paille, contrôlée très strictement en amont de la pose, ne pourrit pas ; tout est mis en œuvre du dès l’approvisionnement et le stockage jusqu’au montage et protection des parois
- Les rongeurs ne s’y installent pas car la paille dans les caissons ne contient aucun élément nutritif et est insérée de manière trop dense, avec une ossature et des panneaux qui ferment définitivement la paroi.
- Les exigences « coupe-feu » pour assurer la lutte contre les incendies sont intégrées (notamment pour un ERP de catégorie 5) : choix d’une pose d’une surcouche en laine de roche
Les coûts du projet
Études
Travaux
Subventions
Le reste à charge (travaux) pour la commune est de 437 K€ HT (ventilés sur deux années) dont 150 K€ feront l’objet d’un prêt bancaire.
Ce projet n’a pas été simple mais on arrive à son terme. J’ai hâte d’en voir le bout et de pouvoir y réunir tous les élus du conseil communautaire pour qu’ils mesurent la qualité du bâtiment !
conclut Gilles Salaün
Contact
- Gilles Salaün, maire de Saint-Coulitz
- Morgan Le Goff, AMO – collectif paille armoricain
rédaction : juillet 2025